Les écrivains modernes ne cessent de poser des questions à l’égard de l’écriture, la possibilité de la littérature, et cherchent à imaginer un livre idéal comme la réponse. Ce livre leur p ...
Les écrivains modernes ne cessent de poser des questions à l’égard de l’écriture, la possibilité de la littérature, et cherchent à imaginer un livre idéal comme la réponse. Ce livre leur paraît absolu comme la Bible: ‘un grand livre’ pour Balzac, ‘un monde composé de livres’ pour Zola, ‘Livre’ pour Mallarmé, ‘livre sur rien’ pour Flaubert, ‘une vraie œuvre originale’ pour Giono. Ces livres qui restent dans leur imagination, nous les désignons ‘livre virtuel’. Le mot virtuel est à la mode aujourd’hui à cause du développement de multimédia, mais la reflexion sur la virtualité date depuis longtemps. Dans la philosophie, en général, on distingue le virtuel et le possible. Les philosophes comme Gilles Deleuze ou Pierre Lévy opposent le virtuel à l’actuel, le possible au réel, et soulignent que ces deux pairs de concepts reliés étroitement appartiennent à des catégories différentes. Il est donc impotant de distinguer le virtuel du possible. Le possible est déjà constitué et défini ; il suffit de le réaliser. Pourtant, le virtuel est comme une énergie abstraite, comme l’arbre est virtuellement dans le grain. Le virtuel n’est pas défini préalablement, imprévisible et susceptible de se modifier selon la situation. A partir de cette notion philosophique, nous avons déveleloppé notre étude. Il faut distinguer le livre virtuel que l’écrivain recherche et le livre possible qu’il lui suffit d’écrire. Car le livre virtuel, l’ensemble des problématiques, demande une solution spécifique: l’actualisation. ‘Un grand livre’ de Balzac, ‘un monde composé de livres’ de Zola, ‘Livre’ de Mallarmé, ‘livre sur rien’ de Flaubert, ‘une vraie œuvre originale’ de Giono ne peuvent se réduire à un livre qu’ils ont écrit. Ces livres qu’ils imaginent sont virtuels comme le grain. Ils ne publient pas un livre en imitant ou reproduisant le livre virtuel. Si ceci est une question, le livre publié est une réponse. Cette notion nous permet de comprendre l’écriture incessante et inlassable de l’écrivain moderne. Selon Maurice Blanchot, l’écrvain moderne souhaite d’écrire le livre virtuel qui n’est qu’imaginaire, mais ne peut écrire que le livre actuel. Quand il voit son livre imprimé, il sent que son œuvre n’est pas achevée et recommence en espérant cette fois réussir à écrire le livre qu’il imagine. Ainsi il détruit ce qu’il a écrit et tente d’achever une œuvre dans un autre livre. Mais Blanchot souligne que l’œuvre n’est pas achevable. L’écrivain moderne est condamné à écrire, détruire et réécrire sans cesse. Le livre virtuel est un espace qui rend infiniment possible le livre actuel.